Jack Bruce, l'ancien bassiste de Cream (Eric Clapton, Jack Bruce, Ginger Baker) est décédé le 25 octobre dernier. Ce grand bassiste qui jouait parfois sur une basse 6 cordes, une Fender Bass VI, a collaboré durant l'ensemble de sa carrière avec un grand nombre de musiciens/compositeurs dont, pour n'en citer que quelques uns, Carla Bley, Franck Zappa, Larry Corryell, John McLaughlin, Michael Mantler, Graham Bond, Tony Williams, etc.
Pour ma part, dans cette longue carrière, je retiens de cet homme discret, son passage dans Cream qui a marqué toute une génération de guitaristes avec ses trois albums mythiques : Fresh Cream (1966), Disraeli Gears (1967), Wheels of Fire (1968) et dans une moindre mesure Goodbye (1969) avec comme invité surprise Georges Harrison sur Badge.
Fresh Cream ouvrait avec I Feel Free et sur un timbre de voix très différent de ce qu'on écoutait à l'époque. Dans ce premier album, il y avait une reprise notamment de Spoonful de Willie Dixon et qui avait été popularisé par Howlin Wolf, mais déjà, on pressentait un potentiel avec les compositions de Jack Bruce qui donnait une autre impulsion à ce qu'on appelait à l'époque le British Blues. Et dans cet album, il y avait aussi le solo brutal de Clapton dans Sweet Wine qui préfigurait déjà le dépassement du British Blues qui se voulait respectueux du Chicago Blues (Fleetwood Mac, Chicken Shack, John Mayall, etc).
Et effectivement, le sublime Disraeli Gears, avec sa pochette psychédélique, confirma tout l'espoir qu'on pouvait porter dans ce nouveau groupe, dans ce "super group" comme le qualifiaient les rock critiques de cette période. Il y avait outre Sunshine Of Your Love, Strange Brew, World of Spain, Tales of Brave Ulysse, Swlabr, Take It Back. Et toujours cette voix avec ce timbre si particulier dans le rock.
Mais si j'apprécie les deux premiers albums, c'est Wheels of Fire qui m'a totalement subjugué en tant que guitariste. En plus, cet double album studio (avec de très belles compositions comme Politician) et Live, à la pochette là aussi psychédélique, je l'ai découvert à Londres durant l'été 1968. A l'époque, il y avait quatre albums qui m'avaient marqué déjà avec leurs pochettes flamboyantes quand je découvrais les yeux équarquillés devant autant de LP's chez les disquaires Londoniens : Tyrannosaurus Rex avec Marc Bolan, le second album de Pink Floyd A Saucerful of Secrets, Electric Ladyland de Jimi Hendrix avec sa pochette originale qui fut interdite en France à l'époque et Wheels of Fire de Cream. Et chez les disquaires, la plage qu'ils passaient quasi en boucle était celle de Crossroad et surtout celle de la longue version de Spoonful (enregistrées au Winterland de San Francisco). Pour un guitariste, à l'époque, tout comme les solos d'Electric Ladyland de Jimi Hendrix, c'était une sorte de Graal... Il y avait la guitare incandescente de Clapton qui partait dans des directions incroyables et qui était soutenue par la puissance rythmique de Ginger Baker mais aussi par cette basse irradiante qui n'hésitait pas à improviser en contrepoint aux envolées de Clapton. Pour ceux qui s'intéressent à cette période, je ne saurais trop vous conseiller de prendre un abonnement à Concert Vault et qui est de 3,99 $ par mois - il y a un essai de trois jours gratuit - et qui donne accès aux concerts enregistrés dans les salles américaines - notamment aux Filmore West de San Francisco et Filmore East de New York, au Winterland de San Francisco - lors des tournées des groupes ou des musiciens. Et ce au niveau du rock, du jazz, y compris free, du folk. Il y a de véritables pépites à découvrir. Sans compter aussi l'accès à des vidéos (un petit avant goût avec ce concert de Link Wray dont je suis très fan en tant que guitariste) à l'achat de concerts (en moyenne 5 $) et aux téléchargements réguliers offerts aux membres.
Mais Jack Bruce, c'est aussi pour moi, sa participation au "The Tony Williams Lifetime" (Tony Williams, John McLaughlin, Khalid Yasin dit Larry Young et Jack Bruce). L'album Turn it Over est démoniaque dans ses morceaux instrumentaux, avec un John MacLauglhin complètement déchaîné, porté par le soutien rythmique de Tony Williams et de Jack Bruce et l'orgue plutôt monstrueux de Larry Young.
Mais pour revenir à Cream, le groupe a effectué un retour durant quatre jours où il a donné des concerts au Royal Albert London en mai 2005. Et si les solos et improvisations étaient nettement plus courts (7 minutes contre 16 pour Spoonful), le son de Cream était bien là. On peut s'en rendre compte sur le DVD Cream Royal Albert Hall 2005 ou le double CD tiré des concerts. Et la magie était encore là.
Commentaire