Vouloir acheter un Kurzweil aujourd'hui peut sembler étrange dans le sens ou
les autres marques nous proposent des produits très bien pensés, suivis
commercialement, remplis de plusieurs centaines de méga-octet de samples
utilisables immédiatement et couvrant pratiquement tout les styles musicaux,
tout ceci avec une qualité au dessus de tout soupçon et un prix attractif.
C'est la raison de ce choix que je vais vous exposer, par le biais du test
du Kurzweil K2661
La première difficulté est de trouver un kurz' neuf en France, mais depuis
peu la distribution a repris (seulement 2 distributeurs en France, un à
Paris, l'autre à Lyon...)
C'est donc après un périple de 800 kms que je reviens avec la machine et
c'est non sans une certaine appréhension que je déballe le synthé...
Rien à dire au niveau des précautions d'emballage, tout est soigné et
proprement rangé...
Premières impressions :
D'abord, le synthé est très compact (à peu près la même chose qu'un K2000)
de couleur principalement noire avec quelques touches de couleur bleu,
orange et gris. Bref, c'est sobre.
Bonne nouvelle, la machine est fournie avec une carte smart-média de 32 Mo
(contenant l'OS actuel, au cas ou, et tout une série de sons), et une pédale
switch.
Le clavier est 100% plastique au toucher, plutot mou mais permet de doser
facilement la vélocité et l'aftertouch (monophonique)
Connectiques :
Un coup d'oeil au panneau arrière, on y trouve :
L'interrupteur de mise en route, la prise secteur, le système de réglage du
voltage (réglé sur 230v, cette machine est donc bien destinée à la France,
ouf...), la fente pour les cartes smartmédia (3.3 v, jusqu'à 128 Mo, la
machine est extensible jusqu'à 128 Mo de samples en RAM), les entrèes et
sorties optiques (qui peuvent être configurées soit en S-PDIF 2 canaux, soit
en ADAT 8 canaux), une prise SCSI 25 broches, les 3 prises MIDI dont la
sortie THRU peut être configuré en OUT via un switch), les espaces pour
l'option sampling (1 entrée jack stéréo 6.35, 2 entrées XLR droite et
gauche, une entrée S/PDIF),les 2 molettes de réglages de la luminosité et du
contraste de l'écran, 4 entrées pour controlleurs continus (2 pédales, 1
breath controller et une prise pour le controlleur à ruban), 4 entrèes pour
pédales switch et les 6 sorties audio (2 mix + 4 subs)
Panneau avant :
De gauche à droite on a :
2 mollettes de modulation, le curseur de volume général, 8 switchs et 8
curseurs linéaires multi-fonctions puis les boutons classiques de
navigations, l'écran, une mollette de type alpha-dial (bruyante) et un pavé
numérique...
Avec mon k2000 juste au dessus, je constate qu'il n'y a pratiquement pas
d'évolution ergonomique, même l'écran est le même (la luminosité en plus...)
Je fais les branchements et allume la machine, le synthé fais un check-up et
m'annonce OS V1.00.
(J'aime pas les V1.00...!)
Je laisse la machine prendres ses marques et j'en profite pour jeter un oeil
à la notice qui me semble plutot fine comparée au botin téléphonique du
K2000...
C'est surtout du au fait que le synthé aurait du être accompagné d'un CD et
d'une carte de garantie, absents dans mon carton !
Je contacte Kurzweil Europe, qui promet de m'envoyer tout ça....dès qu'ils
les auront reçu...!
Presets :
La machine est fournie avec 32 Mo, ce qui peut faire sourire comparé à la
lutte que se livre les ténors à grand coup de centaines de Mo.
D'origine on a donc, en plus de la ROM standard les ROM Orchestral(8 Mo),
Contemporary(8 Mo)plus un set GM(beurk !)
L'écoute des presets se fait néanmoins avec attention, même si je sais que
les presets ne réflètent pas toujours les capacités des machines.
Premières constatations, le KDFK (Kurzweil Digital FX) est utilisé avec
parcimonie, les sons ne sont pas noyés dans une multitude d'effets et
l'équalisation n'est pour ainsi dire pas utilisée. Exit donc les drumkits
avec des bass boostées à +18dB pour donner de la "patate" et des aigus tirés
au max pour essayer de rendre le son cristallin.
pourtant, le son, granuleux, à une belle présence sur tout le spectre. Ceci
est sans doute du aux convertisseurs 24 bits qui envoient le signal avec une
grande dynamique et une clarté sans faille.
Deuxième constatation, les sons manques par contre un peu de vie du fait que
pratiquement aucun presets n'utilise les échantillons multicouches qui font
le fer de lance de la concurrence.
Ce qui fait que, même si le son est bon en lui même, on a un peu de mal à
être vraiment expressif...
A mon avis, avec une ROM seulement de 40Mo, couvrant pratiquement toutes les
sonorités, on ne peut pas espérer beaucoup mieux
Il existe une ROM "Stéréo dynamique piano " en 3 niveaux de vélocités et une
ROM "Vintage electrique pianos" que l'on peut greffer dans la machine, afin
d'avoir des sonorités pianistiques plus réalistes....à suivre donc.
Les presets couvrent de nombreuses sonorités, acoustiques, electroniques,
world etc...
Comme d'habitude on trouve du très bon, du bon (dubonnet), du moyen et du
mauvais...
Mais on n'achète pas de Kurz' pour jouer avec les presets, d'ailleurs j'ai
l'impression que les concepteurs nous disent :
"Bon, les gars, on sort un machine qui peut quasiment tout faire, pour les
sons vous avez une base, pour le reste, c'est à vous de jouer....on ne va
pas tout faire non plus quoi..!"
KDFX ?
Le KDFX embarqué est un processeur d'effet 8 bus qui possède une grande
souplesse, à savoir que toutes les configurations de routing sont possibles
et on peut donc brancher tout dans n'importe quoi et réciproquement.
Chaque bus possède 2 correcteurs de tonalité avant d'attaquer les effets
proprement dit et chacun de ces correcteurs peut être un eq paramétrique, un
filtre multimode etc...la encore toutes les configurations sont possibles.
A l'écoute il faut bien avouer que les effets sont magnifiques, variés et on
peut s'interroger sur la non utilisation de cette puissance sur les
presets...
VAST (iszt das ?)
Alors la, on entre dans un monde à part.La synthèse VAST (Variable
Architecture System technology) est apparu sur le K2000 début des années 90.
C'est le coeur d'un kurzweil, c'est la raison pour laquelle on passe chez
Kurzweil, si c'est pour jouer du sample, les autres le font très bien (Kurz'
le fait mieux, mais on ne le sait pas avant de mettre les mains dedans), si
c'est pour faire de la synthèse pure, il y a assez de matière et de
puissance pour nous occuper des années.
La VAST est un système d'agencement de blocs DSP régis par des
algorythmes.(31)
C'est un peu comme un DX7, sauf qu'au lieu d'avoir soit des porteurs, soit
des modulateurs sinus, on a le choix parmis une soixantaine de fonctions DSP
qui peuvent être par exemple un filtre multimode (LP, BP, HP, Notch, 6 / 12
/ 24 dB résonnant ou non), un modulateur en anneau, un modulateur
d'amplitude, un shaper, une fonction wrap, une fonction hard-sync, un PWM,
une disto, un oscillateur (sine, square, saw, noise), un equaliseur
paramétric et j'en passe.
certaines fonctions sont doubles (saw+shaper, filtres en cascade avec
séparation, etc...), et la synthèse est évidemment appliquable aux
samples...
Le son part d'un bloc "pitch" qui détermine le sample de base du son (mono
ou stéréo), celui-ci peut être bypassé.
Ce bloc permet de régler la fréquence du sample, de lire celui-ci à
l'endroit, à l'envers ou les deux, de déplacer le multiéchantillon sur le
clavier (comme le pitch stretch d'un triton), de régler le suivi du clavier,
ce qui permet en le réglant sur 0 de ne choisir qu'un échantillon sur le
multiéchantillon.
On peut déterminer plusieurs point d'attaque suivant la vélocité.
Ensuite le signal attaque les blocs DSP vus précedemment.
Certains algorythmes splittent le signal après un bloc afin que chaque
partie du signal subisse une transformation, puis remixent le tout.
Chaque bloc à un niveau d'entrée programmable pour éviter la saturation ou
pour utiliser la fonction avec parcimonie.
En effet, certaines fonctions ajoutent tellement d'harmonique que l'on a
vite fait d'arriver à un résultat plutôt...bruyant !
Chaque bloc possède 2 entrées de modulation (une avec un mini de 0 et un
maxi réglable par l'utilisateur, l'autre avec un mini et un maxi
réglable...)
Les sources de modulation sont nombreuses et peuvent être par exemple une
enveloppe, un LFO, un numéro de touche, un signal d'horloge, une mollette,
un curseur, une pédale, la vélocité, l'aftertouch etc...bref n'importe
quoi,sachant que les sources peuvent se moduler entre elles, on approche de
la synthèse d'un vrai modulaire)
On peut superposer sur un K2000 jusqu'à 3 couches sur 15 canaux midi et 32
couches sur un seul canal
Chaque couche (appelé layer) consomme une voix de polyphonie (si le sample
est stéréo, ce sera 2 voix), même si certains blocs DSP ont été définis
comme oscillateurs.
En revanche, on peut superposer des couches avec des réglage de vélocité qui
ne se chevauchent pas, on ne consommera alors qu'une seule voix à chaque
fois.
Sur le K2661, la synthèse a bien évolué et la VAST passe en triple
modular.(Déja présente sur les K2600 V2.0)
De 31 algorythmes on passe à 127, on a de nouveaux blocs DSP,des
paramétrages étendus, et il y a une particularité exceptionnel, celle de
brancher les layers entre eux.
En effet, avant les layers étaient indépendants, chaque couche possédait son
algorythme, ses samples, ses réglages etc...
Maintenant la sortie du layer 1 est connectée au layer 2, puis la sortie du
2 est connectée au layer 3.
les points de connections sont définis pas les algo. et peuvent se faire à
plusieurs endroits en même temps.
En gros, on peut imaginer prendre un sample de voix, le faire passer par 5
blocs DSP(filtres, shape mod.osc, etc...), melanger tout ça avec un sample
de strings grace à un modulateur en anneau et d'autres fonctions variées
puis attaquer le 3 ème layer qui lui aura une flute comme sample de base, ou
même pas de sample, et uniquement des osc. numériques qui serviront de LFO
ou bien de porteurs fm, tout ça modulé par une mollette...et le résultat
sera........ignoble !!!
En effet, cette synthèse est tellement complexe et puissante qu'il faut
avancer bloc par bloc sous peine d'arriver à faire du n'importe quoi.
Au niveau des couches sur le K2661,la encore, c'est du délire puisque l'on
peut empilé les 3 layers de la triple avec un layer simple, puis avec encore
un triple etc....jusqu'à 32 couches, qui se chevauchent ou non sur tous les
canaux MIDI.
La polyphonie est de 48 voix, sachant qu'un triple consomme 3 voix (plus si
certains samples sont stéréo), si tous les layers d'un son complexe sonnent
en même temps, la polyphonie s'effondre...logique.
On a du mal à imaginer les limites d'une telle synthèse puisque l'on peut
faire de la simulation analogique, de la fm, de la synthèse additive, voir
un mélange de tout ça et bien d'autres sonorités...
Un point interressant, la prog. se fait avec des valeurs réelles (dB pour la
resonnance, Hertz pour tout ce qui concerne les fréquences, 1/100 de seconde
pour les enveloppes etc...)
Il a été calculé 30 milliards de combinaison avec les algorythmes triple
modular, sans compté le fait que certains paramètres d'un bloc DSP peuvent
radicalement changé le timbre, même avec des valeurs proches, sans compter
le fait que les alg. peuvent s'empiler et sans compter le fait que cette
synthèse fonctionne aussi avec des samples, source sonore inépuisable...
SETUP :
Le synthé possède des setups, sorte de combi, qui permettent d'empiler ou de
répartir des sonorités (8) sur le clavier, le tout accompagné
d'arpéggiateurs.
C'est en gros la même chose que sur un triton, c'est la raison pour laquelle
je ne m'attarderai pas dessus.
MODE KB-3 :
On a aussi le mode KB-3, qui simule un orgue de type B3 et dont les 8
curseurs et les 8 switchs controllent le son en temps réel (controle des
harmoniques, de la leslie etc...)
A l'écoute le son est propre, réaliste et l'action des controlleurs
efficace.
SEQUENCEUR :
Le séquenceur embarqué possède toutes les fonctions que l'on est en droit
d'attendre
(couper, coller, mix, quantize et groove quantize, merge, etc...)
Il fonctionne en 32 pistes à la résolution de 1/792. et possède une fonction
de déclenchement de phrases par une touche du clavier.
Par contre l'ergonomie est un peu en retrait, et on se perd dans un dédalle
de menus avec certaines pages sans espaces vides tellement le nombre
d'informations affichées est important.
CONCLUSION :
Le K2661 est un pur produit Kurzweil dans le sens ou il y a une puissance et
une profondeur de programmation hallucinante, un grain chaleureux et
dynamique, des presets qui ne reflètent pas forcément cette puissance et une
ergonomie bien en retrait, ce qui fait que ces synthés semblent complexes à
utiliser et en rebutent beaucoup.
Pour la petite histoire, mon K2000 avait appartenu a une personne décue par
les sons d'usines, et qui n'avait pas envie de programmer. Il est donc
rester au placard pendant un temps avant que cette personne decide de s'en
séparer.
Aujourd'hui je la remercie...
En fait, ce n'est pas que ces machines sont complexes,(les menus se suivent
logiquement, c'est pas du n'importe quoi !), seulement l'interface est à mon
goût inadaptée et sous dimensionnée par rapport aux capacités.
On se perd dans des menus à gogo sur un petit écran qui fait son maximum
pour nous renseigner sur l'état du KDFX, du son que l'on est en train
d'éditer et sur l'avancement de la séquence....Pauv' ti père !!!
Venant d'un triton, je dois avouer que le choc à été rude...
En fait, à mon avis, le K2661 n'est pas une Workstation à proprement dite,
je le considère plutôt comme un gros synthé, très versatile, qui demande
beaucoup d'investissement de la part de l'utilisateur mais qui sait être à
la hauteur des espérances.
Il y aurait encore beaucoup à dire, comme le "live mode" qui permet de
traiter une source externe par la VAST*3 et le KDFX, ou le vocodeur mais il
me faudrait trop de temps pour en faire le tour...
RESUME :
LES PLUS :
-La triple modular
-Le KDFX
-Le rendu sonore
-L'ouverture sur les controlleurs externes (breath cont., ribbon etc...)
-Le mode KB-3
-L'ouverture sur les formats Akai, Roland, Ensoniq, wave et Aiff
-L'ADAT 8 canaux d'origine
LES MOINS :
-Le clavier un peu cheap
-L'alpha dial très cheap !
-Pas d'USB
-La configuration des sorties audio (c'est 4 subs OU 2 mix mais ou ne pas
pas avoir 6 sorties indépendantes...dommage, peut être dans une mise à jour
d'OS ?)
-La ROM trop légère
-L'ergonomie génerale qui n'a pas vraiment évolué depuis la sortie du K2000
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