Je tiens à repréciser(malgré le titre) que l'interview n'est pas de mon fait, mais de celui de Lekanut qui est indisponible et qui m'a demandé de poster l'interview.
Rendons à César tsétéra....




Bonjour Eric, c'est très sympa de te prêter au jeu merci. Ceux qui te suivent depuis longtemps te connaissent souvent pour 2 raisons :


1-ton passé dans la presse écrite (Aaaaah, tes tests "PlayRecord" qui me reviennent avec nostalgie en mémoire)
2-et puis, ils savent tous que tu es un collectionneur de machines vintage et diverses, qui dispose d'une vraie caverne d'Ali baba.



AUDIOKEYS : Pourrais-tu nous retracer ton parcours, ton rapport avec la musique et les instruments et comment tu as réussi à te monter une superbe collection d'instruments ?

Synthwalker :Je vais avoir 50 ans cette année. J’ai une formation d’organiste commencée à 5 ans.
J’ai eu mon premier synthé à 15 ans, un JX-3P, posé sur mon orgue Elka Artist-606. Dans la foulée j’entre en internat dans un Lycée de Metz où il y a des sections musicales, je m’y fais beaucoup d’amis musicos au conservatoire, on tape le bœuf le soir, on bosse chaque année
50 titres pour la fête du bahut qui est un événement, avec plusieurs représentations et un concert. Mes parents m’offrent un DX7 pour mon BAC. Je continue au Lycée en classes prépa où je passe plus de temps à faire de la musique que des maths…

J’intègre une école d’ingés à Paris, la musique électronique prend de plus en plus de place. Je fais les illustrations sonores pour les campagnes BDE et les associations de l’école, ma chambre d’étudiant se transforme vite en mini-studio fait avec trois bouts de ficelle, les stages d’été me paient quelques synthés en plus (achetés neufs au prix fort) : E-mu, Ensoniq, Korg, un Atari 1040 STE avec Cubase… le matériel me passionne, pour les aspects sonores, historiques et techniques. Par mes lectures de la presse spécialisée, je tente d’en savoir un maximum sur le matos…



AK : Qu’est-ce qui t'a amené aussi à officier dans la presse écrite pour en arriver sur Audiofanzine à être notre référence pour les tests hardware (à tel point que chacun des synthés qui passionne nos communautés déclenche l'impatience de tous ceux qui attendent que tu le décortique) ?

SW :Il y a 20 ans, je lis PlayRecord, un magazine orienté synthèse et audio pro, un peu élitiste par rapport à Keyboards. Dans la rubrique des PA, la rédaction recherche des pigistes, sans autre précision. Je postule pour les tests synthés. Le Rédac ’chef, Felix Marciano, me demande de rédiger un test sur un de mes synthés au choix : je choisis le Korg Trinity. Je suis recruté pour remplacer ni plus ni moins que Benoit Widemann (Magma), souhaitant se recentrer sur d’autres projets. Je suis élevé à la rigueur rédactionnelle et à la précision technique, entre Félix qui dirige la rédaction d’autres titres de presse technique et grand public, et Benoit, un vrai intégriste de la synthèse. On devient vite amis !

J’enchaîne les tests, puis quand PlayRecord disparait, je travaille sur d’autres projets de magazines comme: Musicien, Music Sound, Recording. Avec une équipe rédactionnelle montée autour de Jean-Stéphane Guitton (Sleepless sur Audiofanzine), nous parvenons à redresser les ventes de Recording, ce qui conduit plus tard à l’absorption de Keyboards, mal en point. Je ne reste pas très longtemps sur KR, la formule fusionnée ne donnant plus beaucoup de place aux tests (3 ou 4 pages pour un grand format !). Philippe Raynaud, le boss d’Audiofanzine, me propose une nouvelle fois une coopération : cette fois, c’est la bonne ! Nous venons de publier mon 250ème test…




AK : Peux-tu nous parler de ta collection de synthés ?

SW :Pour la collection de synthés, j’ai la chance de pouvoir tester à peu près tout ce qui sort comme synthé ou BAR depuis 20 ans. Du coup, je deviens sélectif. Il y a 14 ans, je fais le test du Moog Voyager ; je vais chez Benoit Widemann pour le comparer avec son Minimoog D ; convaincu, je finis par acheter le Voyager, la première série limitée signée par Bob Moog. Je mets alors la main dans l’engrenage analogique. Après l’Andromeda, je passe au vintage et là c’est la grosse claque. Plus je teste de matos contemporain, plus je suis attiré par le vintage. Avec l’avènement des réseaux sociaux, je participe à différentes communautés. Je me rends aussi compte que c’est le parcours (recherche, rencontres, restauration) plus que la finalité de posséder une bécane, qui me motive. C’est aussi un moyen de compléter des connaissances encyclopédiques par une expérience réelle, d’où des choix de machines assez variées sur le plan de la technologie et de la synthèse (analogique soustractive, paraphonique, hybride, FM, additive, à tables d’ondes, à modélisation… mais toujours avec des mémoires sauf pour les vieilles String machines). C’est enfin la constitution d’éléments de benchmark pour mes tests, permettant d’objectiver au mieux mes avis sur le son, l’expérience de programmation, le plaisir de jouer… Là aussi, c’est l’idée de partage avec les membres de la communauté qui m’intéresse. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons commencé à publier sur Audiofanzine une série de tests à partir de mes machines vintage, pour que chacun puisse se faire une idée.




AK : Quel est le meilleur cheminement pour se faire une belle collection d'instruments vintage ? Y a-t-il des trucs à savoir, à faire…un peu de chance sans doute ?

SW : Il faut du réseau, parce que la plupart des transactions se font hors média. Au début, ça revient cher parce qu’on va sur EBay ou chez les vendeurs pro comme RL Music. Ensuite le réseau s’étoffe, on connait les revendeurs qui achètent des machines en mauvais état et les revendent ensuite (plus ou moins bien retapées). Au début, on peut se faire avoir, il y a des types sans scrupules et aussi des gens bien qui finissent par mal tourner, parce que leur activité de base ne paie pas assez et qu’ils doivent bouffer… beaucoup m’ont déçu, même de très connus. Et là encore, la règle est d’avoir du réseau pour avoir des informations, recouper les avis, etc. Mais avant toute chose, sur ce type de marché de l’occasion, vintage ou pas, il faut tester la machine en vrai quand on ne connait pas le vendeur ou utiliser un tiers de confiance pour le paiement. Personnellement, je me déplace à chaque fois pour des bécanes de valeur, je connais trop de mauvaises surprises et j’en ai vécu moi-même, y compris sur place, avec le type en face de moi bien d’aplomb qui me sort des grosses conneries !




AK : Crois-tu qu'il soit encore possible en partant de rien aujourd'hui de se constituer une telle collection d'instruments de légende si on considère la rareté et puis le prix que cela atteint de nos jours ? Est-ce plus dur qu'avant ?

SW : C’est devenu très dur. Je n’accepterais pas de payer au prix actuel la plupart de mes synthés. Mais c’est pareil pour l’immobilier. Je serais incapable de racheter la maison que j’avais faite construire il y a 15 ans et revendue il y a 10 ans. Avec les prix astronomiques d’aujourd’hui, les plus belles pièces partent chez des gens très fortunés, pas des musiciens pro, mais des chefs d’entreprise, des professions libérales ou des héritiers. Je connais des personnes qui ont claqué 50.000 boules en matos depuis le début de l’année : ARP, EMS, Moog modulaires, Roland modulaires, CS80, Schmidt Eight Voice… pour ma part, j’ai énormément ralenti sur les synthés, je suis un peu plus orienté sur les périphériques. Et j’ai d’autres priorités, études des enfants notamment…